Comment Guérir des Traumatismes du Passé ?

Rédigé le 18/06/2024
Sandrine Belmont


Comment guérir des traumatismes du passé quand certaines situations perturbent le présent. De manière générale, l’être humain a appris de façon adaptative, à catégoriser ce qu’il vit au cours de sa vie en expériences à reproduire ou à éviter. 

Cependant, en ayant cette capacité à retenir une expérience négative afin de se protéger à l’avenir, les conséquences peuvent être une généralisation de la situation. Ce qui aurait pour effet la perte de notre objectivité sur la réalité du danger.

Par exemple, une personne qui a été agressée, en pleine ville, peut isoler cet évènement. Ou au contraire elle peut développer la peur d’aller dans une grande ville, en généralisant l’expérience négative. 

Alors pourquoi certains évènements du passé sont traumatiques et d’autres non ? Comment savoir si c’est un traumatisme ? Comment pouvez-vous faire pour vous ne pas rester prisonnier ou prisonnière du passé ? Je vous explique tout cela dans les lignes qui suivent. 

Définir le traumatisme et savoir s’il reste un problème dans le présent

Les traumatismes représentent des expériences profondément perturbantes et déstabilisantes. En effet, ils ont un impact significatif durable sur le bien-être émotionnel, mental et physique d’un individu. Ainsi, ces expériences peuvent aller de situations uniques et choquantes à des événements prolongés et stressants.

Quand une situation du passé vous laisse des cicatrices émotionnelles et des souvenir précis. Si elles persistent dans le temps, il est alors probable que ce soit un traumatisme. L’une des conséquences est la perturbation de votre capacité d’adaptation, rendue possible grâce au temps qui passe.

Pour la plupart des gens, les traumatismes évoquent des événements comme des abus, des violences, des pertes (décès, abandon). Mais il peut s’agir aussi d’accidents graves, des catastrophes naturelles, ou même des expériences de guerre.

Cependant, nous pourrions élargir la définition du traumatisme à toute expérience passée vécue négativement. En fait, cette expérience continue de déclencher des émotions intenses, même une fois terminée. 

Ainsi, le ressenti de ces émotions compromet le sentiment de sécurité et d’identité de la personne. Ce qui peut l’amèner à une incapacité à réguler ses émotions. Donc, les traumatismes peuvent être liés à une situation unique (un accident) ou répétée (des violences conjugales par exemple).

Le trouble du Stress post traumatique (SPT)

Les événements stressants

Tous les événements stressants peuvent devenir traumatiques. Par exemple :

  • Accidents graves : accidents de voiture, accidents industriels, etc.
  • Attaques physiques ou agressions : Violences physiques, viols, agressions sexuelles, etc. Les violences physiques peuvent être subies, mais aussi observées. Ce qui est le cas pour un enfant qui est témoin de violences conjugales entre ses parents. Les agressions sexuelles vont de l’attouchement au viol, là aussi en agression unique ou répétée. Mais un traumatisme sexuel peut aussi être le voisin exhibitionniste qui fait régulièrement peur à l’enfant. 
  • Catastrophes naturelles : Ouragans, tremblements de terre, incendies, inondations etc.
  • Expériences de guerre : Témoigner de la violence ou être victime de conflits armés.
  • La maltraitance psychologique dans l’enfance ou à l’âge adulte. Nous parlons de dévalorisations répétées, d’absence d’amour et de respect, donc de véritables traumatismes. Ainsi, il est évident que toute forme de maltraitance dans l’enfance est potentiellement traumatique.
  • La négligence par un manque persistant de soins et d’attentions appropriés chez l’enfant.
  • Maladies graves ou chroniques : Diagnostic de maladies graves, traitement médical intensif, etc. comme dans le cas de cancer par exemple. J’ai pu observer que certaines patientes ne se remettaient pas de leur cancer du sein.
  • Chirurgies traumatiques : Interventions chirurgicales majeures, impliquant des complications ou non. Je me souviens d’un monsieur traumatisé par son opération de la prostate. Une autre personne a développé une phobie du milieu médical. Cette phobie s’est déclenchée suite à ce qu’elle avait vécu comme une maltraitance. En réalité, elle n’avait pas été écoutée lors d’une intervention invasive.
  • Décès d’un être cher : Surtout s’il est soudain ou violent. Mais la maladie et le déclin de la personne peuvent être tout aussi compliqués. L’annonce diagnostique, la diminution de la personne, les derniers moments, etc. sont de véritables traumatismes.
  • Divorce ou séparation : En particulier lorsque cette ruptures’accompagne de conflits intenses, et/ou de trahison. C’est encore plus vrai si la personne ne s’y attendait pas.
  • Catastrophes sociétales : Guerres civiles, génocides, catastrophes écologiques ou épidémies à grande échelle.
  • Discrimination systémique : Expériences de discrimination raciale, ethnique, sexuelle, etc.

L’intensité émotionnelle

Des réactions intenses

La personne, ayant vécu ce type de traumatismes, surréagit en présence d’un stimuli rappelant de façon consciente ou automatique, l’évènement initial. Par exemple, une personne, qui a vécu les conflits violents de ses parents, peut développer des réactions excessives dès qu’une personne de son entourage élève la voix ou s’énerve.

Plus encore, des expériences de négligence dans l’enfance peuvent amener à une estime de soi très basse et à une dépression chronique. En fait, les traumatismes peuvent déclencher une gamme étendue de réponses émotionnelles, allant de la peur et de l’anxiété à la colère et à la tristesse profonde.

D’autre part, une sensibilité accrue à l’environnement, appelée hypervigilance, est fréquente. Cela peut engendrer aussi des troubles du sommeil.

Mais avant de savoir ce qui rend vulnérable au traumatisme et d’évoquer les solutions, il est important de faire la différence avec le syndrome de Stress Post-traumatique (SPT). Les causes ou déclencheurs sont les mêmes que ceux que je viens de citer.

Le syndrome post traumatique

Cependant, les conséquences au présent seront encore plus envahissantes. Ainsi, le trouble du Stress post traumatique est caractérisé par des réactions intenses, désagréables, et dysfonctionnelles . Souvent, ces réactions apparaissent après un événement traumatisant.

Cet événement peut être l’exposition d’une personne à une blessure grave, une menace de mort ou un viol. Les souvenirs de l’événement s’imposent à elle de manière répétée et involontaire, entraînant des cauchemars durant le sommeil ou même éveillé. Elle développe des comportements d’évitement en lien avec l’événement (éviter de repasser devant le lieu de l’incident par exemple).

De même, elle est parfois incapable de se souvenir d’importantes parties de l’événement traumatique. Ainsi, elle peut se sentir émotionnellement insensible ou déconnectée des autres, avoir des difficultés à s’endormir ou à se concentrer. Parallèlement, elle peut devenir excessivement vigilante (sursauts) aux signes d’alerte associés à un risque.

Alors, la personne peut progressivement perdre le contrôle de ses réactions pour se trouver en proie à des accès de colère et à des comportements impulsifs. Toutefois, il peut y avoir d’autres symptômes et dans ce cas, il est impératif de consulter un professionnel de santé.

La Résilience psychologique

Pourquoi cet événement est traumatique pour l’un et pas pour l’autre ?

Alors, la manière dont les individus digèrent et réagissent aux événements négatifs est liée à divers facteurs psychologiques. En effet, vous avez certainement entendu parler de résilience. 

La résilience est la capacité à faire face, à rebondir et à s’adapter face à l’adversité. Certains individus ont une résilience naturelle qui les aide à surmonter les difficultés plus efficacement que d’autres. Cette résilience est souvent influencée par de nombreux facteurs.

Les différents facteurs de résilience psychologique

L’optimisme et les croyances

Parmi les facteurs reconnus, il y a l’Optimisme et la Pensée Positive. Par exemple, les individus, qui adoptent une perspective optimiste, possèdent la capacité de trouver du sens. Ainsi, ils sont souvent plus résilients dans l’adversité. La pensée positive peut contribuer à maintenir une attitude constructive face aux défis.

Avoir des croyances et des valeurs personnelles fortes peut offrir une base solide pour faire face aux difficultés. Ces convictions peuvent aider à donner un sens aux expériences difficiles et à guider les actions vers des objectifs significatifs.

La croyance en sa propre capacité à faire face efficacement aux défis, appelée auto-efficacité, est liée à la résilience. Les individus, confiants en leurs compétences, sont mieux préparés à surmonter les obstacles.

Certaines qualités, telles que l’ouverture d’esprit, la persévérance et la tolérance à l’incertitude, sont associées à une plus grande résilience.

Le niveau de soutien social dont une personne dispose peut jouer un rôle crucial dans la manière dont elle fait face aux événements négatifs. Se sentir soutenu et aimé permet de se sentir plus en sécurité de manière globale, d’avoir des croyances sur soi plus positives aussi et de contrebalancer le néfaste des expériences difficiles.

Cognition et interprétation :  Il est évident que la manière dont une personne interprète et attribue un sens aux événements peut influencer sa réaction émotionnelle. Les individus, qui adoptent des interprétations plus positives ou qui peuvent trouver un sens dans l’adversité, auront plus de facilités à faire face aux situations difficiles.

Certains de ces facteurs sont corrélés les uns aux autres. En effet, le niveau de soutien social peut influencer les croyances sur les capacités à faire face ou l’optimisme par exemple, et vice-versa.

Le coping

Les stratégies de gestion du stress, également appelées styles ou techniques de coping, varient d’une personne à l’autre. Certains individus peuvent avoir des stratégies de coping plus adaptatives, telles que la résolution de problèmes ou l’expression émotionnelle. Et au contraire, d’autres peuvent adopter des stratégies moins adaptatives, comme l’évitement (éviter d’y penser, ou se surinvestir au travail ou ailleurs) ou la minimisation (ce n’est pas si important, il y a des personnes qui vivent bien pire…).

Certains aspects biologiques, tels que la génétique et la chimie cérébrale, peuvent également jouer un rôle dans la manière dont une personne réagit émotionnellement aux événements. Des prédispositions génétiques d’anxiété ou de dépression peuvent fragiliser la personne. Du point de vue de la chimie cérébrale, des déficits en sérotonine ou en dopamine sont le versant biochimique de l’anxiété ou la dépression. Un excès de cortisol amène à de mauvaises stratégies de coping.

Enfin, les expériences antérieures, en particulier celles qui ont été traumatiques, peuvent avoir un impact significatif sur la manière dont une personne réagit aux événements négatifs ultérieurs. Les traumatismes non résolus peuvent rendre plus difficile la gestion des difficultés futures.

Imaginons une personne trompée par son partenaire de vie, qui vit une rupture très douloureuse. Ainsi elle peut développer la peur d’être trahie et abandonnée. Alors, elle va mettre en place des stratégies pour se protéger d’une autre souffrance comme rester célibataire, développer une phobie sociale ou se protéger de la séduction par le surpoids.

La résilience psychologique selon les neurosciences

Du point de vue des neurosciences, les neurotransmetteurs, tels que la sérotonine et la dopamine, sont impliqués dans la régulation émotionnelle. Ainsi, des déséquilibres dans ces substances chimiques peuvent contribuer à des réponses émotionnelles exacerbées ou diminuées face à des événements négatifs.

En fait, la plasticité cérébrale joue un rôle dans la manière dont les individus s’adaptent aux événements négatifs. Il s’agit de la capacité du cerveau à se réorganiser et à former de nouvelles connexions neuronales. Ce processus dynamique peut être influencé par divers facteurs. Ceux-ci peuvent être psychologiquement parlant à l’opposé de la rigidité d’esprit. La plasticité cérébrale peut se développer ou s’entretenir à travers :

  • Un entraînement cognitif comme la résolution de problèmes, de nouveaux apprentissages ou des activités artistiques.
  • L’exercice régulier peut stimuler la croissance de nouvelles cellules cérébrales (neurogenèse) et améliorer la connectivité entre les régions du cerveau.
  • Le sommeil joue un rôle crucial dans la consolidation de la mémoire et la plasticité cérébrale.
  • La méditation et la pleine conscience peuvent influencer positivement la structure du cerveau, en particulier dans les régions associées à l’attention et à la régulation émotionnelle.
  • L’hypnose : Des études d’imagerie cérébrale, telles que l’IRM fonctionnelle (IRMf), ont montré des changements dans l’activité cérébrale pendant l’hypnose. Ainsi, elles suggèrent que des zones du cerveau associées à l’attention, à la perception de la douleur et à la régulation émotionnelle peuvent être influencées. L’hypnose pourrait influencer la manière dont différentes parties du cerveau communiquent entre elles.

Psychothérapie pour le traumatisme : l’EMDR

Définition de l’EMDR

Cette technique thérapeutique est reconnue comme la plus efficiente à ce jour par l’’OMS (2013), l’INSERM (2004), et la Haute autorité de la santé en France. L’EMDR ou la thérapie par le mouvement des yeux est une thérapie efficace, parfois plus efficace que les traitements médicamenteux dans le traitement des traumatismes et des troubles du stress post traumatique.

Donc, l’EMDR – Eye Movement Desensitization and Reprocessing – est une technique thérapeutique, découverte en 1987 par le Dr Francine Shapiro.

Le mécanisme central de cette technique thérapeutique est d’associer la reviviscence du traumatisme initial. Elle fait appel à des stimulations bilatérales alternées qui peuvent être visuelles (saccades oculaires), auditives (sons alternatifs à droite et à gauche) ou somesthésiques (tapotements épaules, cuisses, genoux etc.).

Notez que le nom d’EMDR est le nom de la technique initiale, dont la marque a été déposée. Les formations en EMDR ne sont accessibles qu’aux psychologues, psychothérapeutes et psychiatres.

Cependant, les techniques de stimulations bilatérales se sont multipliées sous d’autres noms. Ainsi, vous retrouverez cette technique sous les noms de Stimulations alternatives bilatérales ou hypnotiques, de RITMO (Retraitement de l’Information Traumatique par les Mouvements Oculaires, etc.) et bien d’autres. 

Alors pourquoi parle-t-on de stimulations alternatives hypnotiques ? Parce qu’il est tout à fait possible et intéressant d’allier ces 2 techniques en utilisant les stimulations alternatives au cours d’une séance d’hypnose. Par ailleurs, certaines personnes vont spontanément dans une hypnose légère en se plongeant dans le souvenir traumatique. Personnellement, je passe assez facilement d’une technique à l’autre en fonction de ce qui est le plus souhaitable pour le patient.

L’EMDR a-t-elle des résultats sur tout le monde ?

Lors de séances d’EMDR, la personne revit son agression ou son accident, alors elle ressent la peur de mourir, l’impuissance et toutes sensations physiques qui accompagnent ses émotions. Ainsi, elle doit être “connectée” émotionnellement à l’événement pour que les stimulations bilatérales soient effectuées. 

Donc, il est nécessaire que la personne ne soit pas coupée de ses émotions ou de ses sensations physiques à l’évocation de la situation traumatique.

Bien évidemment, cette technique suit un protocole précis et structuré qui amène à une désensibilisation du souvenir traumatique. Avec cette technique, vous pouvez vous attendre à une sorte de mise à jour du souvenir traumatisant, le rendant plus “neutre”, plus “lointain”.

Ainsi, cette technique fonctionne aussi pour les émotions négatives comme la colère, la tristesse tandis que les patients rapportent “on dirait que c’est plus loin” ou “c’est plus flou” ou “je ne ressens plus grand chose maintenant”, etc.

De même, les images qui s’imposent à eux sont plus petites, plus sombres ou moins précises. En fait, aller chercher le souvenir demande un effort, or auparavant, cela s’imposait à eux sans forcer. 

Alors, l’événement traumatique perd son intensité émotionnelle. Certains éléments, liés au souvenir traumatique, réapparaissent comme si la personne les avait occultés. 

Voici un exemple : une patiente revivait les derniers instants de vie de sa mère en regrettant de ne pas lui avoir dit à quel point elle l’aimait. Toutefois elle pouvait se rappeler du sourire de sa mère, de sa main qui serrait la sienne et qui signifiait “je t’aime et je sais que tu m’aimes”. Puis elle se sentait enfin apaisée.

Une technique thérapeutique démontrée par les neurosciences

Certains chercheurs se sont interrogés sur les effets des ces stimulations bilatérales sur le cerveau et comment cela pouvait amener des changements aussi rapides et durables. 

Stéphanie KHALFA, Docteure en neurosciences et chercheuse au CNRS est spécialisée dans le traumatisme. Si le sujet vous intéresse, je vous conseille son excellent livre “de l’EMDR à la thérapie MOSAIC”. D’une part, elle explique que la thérapie par stimulations bilatérales provoque des modifications de certaines zones du cerveau, impliquées dans les mécanismes de l’extinction de la peur conditionnée. Par exemple, un enfant qui entend souvent ses parents se disputer violemment aura un réflexe de peur conditionné dès qu’il entend quelqu’un hausser la voix ou s’énerver.

D’autre part, les études lui ont permis de conclure que les stimulations bilatérales peuvent modifier “la connectivité et le fonctionnement des structures cérébrales impliquées dans des fonctions en lien avec la mémoire traumatique, les émotions, la mémoire, la motricité, la conscience de soi et l’intégration multisensorielle.” .

Pour simplifier, les stimulations bilatérales permettent aux structures cérébrales de communiquer entre elles, ce qui traite nos émotions et notre mémoire. Le résultat est une transformation du souvenir traumatique en un souvenir exempt de charge émotionnelle.

En fait, ces stimulations bilatérales excitent les neurones qui se retrouvent synchronisés entre eux, ce qui amène à la désensibilisation émotionnelle. Bien évidemment, cette technique thérapeutique ne se résume pas à des stimulations bilatérales. D’une part, elle est accompagnée d’une approche d’exposition dans l’environnement sécurisant du psychothérapeute. D’autre part, elle fait appel à des techniques de restructuration cognitive sur les interprétations et croyances du sujet.

Psychothérapie efficace

Pour conclure, sachez que cette thérapie est efficace mais aussi rapide (le changement neuronal se fait en quelques séries de stimulations). 

Si le traumatisme concerne des situations répétées, ce sera un peu plus long que pour une situation traumatique unique. Mais globalement, elle est reconnue comme étant très brève. Selon mon expérience, un traumatisme unique se traite en 1 ou 2 séances, maximum 3 séances.

Il n’y a pas de retour en arrière car les bénéfices de la thérapie sont définitifs. L’efficacité de la thérapie n’est pas en relation avec la durée ou l’intensité du traumatisme.

Le changement se produit avec différentes modalités sensorielles qui produisent toutes, une même excitation neuronale pour le cerveau.

Beaucoup de mes patients sont étonnés de la rapidité de changement avec cette technique. N’hésitez pas à me contacter si besoin (via Doctolib).